Cinquante nuances d'ignorance
On vous l'a déjà dit, le mom porn le plus célèbre du moment n'a rien de BDSM. Ce n'est tout simplement pas du tout sado-maso. Le problème, c'est que tout le monde veut y croire. C'est trop beau pour ne pas être vrai. Et oui, le fait de lire n'est pas en soi un signe d'intelligence, ce livre en est la preuve.
Cinquante nuances de Grey est avant tout de la masturbation auto-égotique - avec un g. C'est écrit par une femme qui se rêve soumise sans l'être. C'est un peu comme un chef de cuisine qui mange au fast-food. C'est de la merde mais c'est assez sucré pour plaire à tout le monde. Dans le livre, c'est l'image fantasmée du sado-masoschisme qui joue le rôle du sucre. Sauf que le fantasme du pécan moyen est forgé par l'ignorance dont il a été victime sur le sujet toute sa vie. C'est donc du n'importe quoi.
Le pire, c'est que cette auteure est aussi ignorante en technique BDSM qu'en psychologie sexuelle et qu'en psychologie tout court. Lier un caractère dominant à un abus, c'est très XIXe siècle. Mais c'est surtout un dangereux mensonge. Colporter des inepties stéréotypés et des jugements moraux infondés est inexcusable. Le fait que le sexe soit en plus centré sur l'ego de la femme supposée se soumettre rajoute au ridicule, c'est tout.
Le personnage de M. Grey est intéressant car il n'a rien de dominant sexuellement. Il est dominant socialement. La masturbation féminine est ici basée sur un rapport de pouvoir social, pas un pouvoir interpersonnel intime du type BDSM. Cette auteure apporte de l'eau au moulin de ceux qui considère que les femmes ne s'adonnent au sexe essentiellement pour acceder au pouvoir et non pour s'abandonner au pouvoir de l'autre. C'est exactement ce que le livre, et plus encore le film, démontre : c'est la femme pseudo-soumise qui a d'abord le pouvoir de séduction puis le pouvoir du désir et enfin le pouvoir de la dépendance. Cette auteure n'a pas décrit le début d'une trace de soumission. Au contraire. C'est le pouvoir féminin qui enchaine le désir masculin. Vision hautement féministe qui s'arrange avec la réalité du désir masculin.
Un vrai Maître BDSM ne se laisse pas mener par le bout du nez. Ce livre comme ce film est l'exact contraire : un homme est mis en laisse par son propre désir réduit à la seule fascination du sujet féminin. Aucune femme n'a ce pouvoir, mais on comprend qu'elles aimeraient l'avoir. C'est cela la vraie raison du succès du film auprès du public féminin. Dans la langue de votre auteure préférée, chères lectrices : Keep dreaming, it won't happen.